Après trente-deux ans, peut-on dire que le complot a échoué?

Abdal Karim Ewaida
Deux années se sont écoulées depuis l’aventure irresponsable du Hamas jouant avec le destin du peuple palestinien, une aventure qui a coûté la vie à plus de deux cent cinquante mille Palestiniens, entre morts, blessés et disparus, sans compter près de deux millions de personnes déplacées et affamées dans une bande de Gaza dévastée et submergée par les décombres, où Israël a largué près de deux cent mille tonnes d’explosifs, anéantissant ainsi plus de 2 700 familles entières et détruisant près de 90 % de ses infrastructures et de ses foyers. À cela s’ajoutent les exactions croissantes de l’occupation en Cisjordanie et à Jérusalem, les victimes tombées durant cette période, les maisons détruites, les terres pillées, les camps vidés de leurs habitants après que ces derniers aient été une nouvelle fois chassés, et les colons qui ont été armés… et libérés de toute contrainte pour tuer, brûler et piller avec une liberté qui ne leur était pas auparavant accordée.
Nul doute que l’occupation israélienne porte la responsabilité de tout cela. Mais pour être réalistes, nous devons aussi dire que le Hamas, par son aventure sanglante qui s’étend sur plus de trente-deux ans, porte également la responsabilité d’avoir contribué à accroître la sauvagerie et la criminalité de l’occupation à travers ses actions tout au long de cette période et par ce qu’il a fait récemment – ce que nous condamnons d’ailleurs également.
Dans des analyses antérieures, il y a environ un an, j’étais arrivé à la conclusion que les deux parties au conflit à Gaza (Israël et le Hamas) se rendaient service mutuellement en persistant dans leurs positions, et que le déluge continuerait sans s’apaiser tant que les approches des parties resteraient inchangées. C’est précisément ce qui s’est produit.
Et hier,les deux parties au conflit ont accepté un cessez-le-feu et la libération des otages sur la base du plan de Trump ! Pour comprendre ce qui se passe maintenant… et revenir au titre de l’article, il faut re-caractériser la situation et la relire pour parvenir à l’analyse la plus proche de ce qui s’est passé. Par conséquent, revenons un peu en arrière pour voir la scène depuis son commencement.
En 1988, le Conseil national palestinien a tenu son congrès en Algérie et a proclamé l’indépendance de l’État indépendantde Palestine, inaugurant ainsi une nouvelle phase du conflit palestino-israélien et arabo-israélien, et entraînant des transformations majeures dans la position internationale, notamment la tenue de la Conférence de Madrid pour la paix le 30 octobre 1991, accueillie par l’Espagne. Cette conférence constituait une tentative internationale de relancer le processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens, mais aussi avec tous les pays arabes, y compris la Jordanie, le Liban et la Syrie, s’appuyant sur le changement intervenu dans la position palestinienne et son acceptation des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce qui marqua le début de l’engagement de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans le processus de règlement, même si, initialement, il ne s’agissait pas d’un engagement indépendant. C’est à travers ce processus que des canaux de communication directs avec Israël furent ouverts pour examiner la possibilité de parvenir à un accord mettant fin à des décennies de conflit, ce qui conduisit aux Accords d’Oslo ; un tournant radical dans la manière d’appréhender le conflit, qui provoqua un choc considérable chez certaines forces nationales, régionales et internationales et les priva d’un atout important dans leur jeu politique.
À cette époque,le mouvement Hamas… existait depuis près de quatre ans. Son charte fondamentale, publiée le 18 août 1988, stipulait dans son premier article qu’il s’agissait d’un mouvement de résistance islamique avec un programme idéologique d’islam politique, et dans son deuxième article qu’il était un mouvement mondial et l’une des branches des Frères musulmans en Palestine. D’autres clauses affirmaient que la cause palestinienne était une cause religieuse, qu’un règlement par la négociation était impossible et que le jihad était la seule voie. Cette charte a été modifiée en mai 2017, en phase avec l’orientation américaine !
Le 13 septembre 1993, le président Mahmoud Abbas, Shimon Peres, sous les auspices du président Bill Clinton et en présence du président Yasser Arafat et du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, ont signé les Accords d’Oslo, également appelés la Déclaration de principes, à la Maison Blanche. C’est là que commence le récit et que commence le complot :
À l’époque, certaines forces régionales et internationales étaient mécontentes de ce qui s’était passé, de même que certains régimes arabes qui y voyaient une répétition de l’initiative du feu président Anouar el-Sadate en 1978, et une perte de la carte palestinienne importante, qui représentait un atout de grande valeur dans l’équation de la lutte pour l’influence dans notre région. S’y ajoutaient la droite israélienne, ainsi que la droite palestinienne alors émergente, représentée par les mouvements du Hamas et du Jihad islamique, qui ont été soutenus par la droite israélienne et des forces régionales, et préparés à commencer un processus d’échange de rôles pour faire échouer cette avancée dans la voie de la paix, qui ne servait pas deux acteurs principaux : la droite israélienne, qui cherche à réaliser le rêve sioniste du retour du peuple d’Israël après plusieurs milliers d’années (selon ses prétentions) et à établir un État juif pur sur l’ensemble de la terre de Palestine et des parties des pays arabes environnants d’une part, et la vision des Frères musulmans, qui exige le retour du Califat et dont la pointe de lance pour y parvenir est une guerre entre musulmans et juifs, conduisant plus tard à une grande guerre où l’islam triompherait et restaurerait l’État du Califat ! D’autre part.
Le processus de sabotage de l’accord a donc commencé. Un extrémiste de droite israélienne nommé Baruch Goldstein a perpétré un massacre dans le Caveau des Patriarches à Hébron le 25 février 1994, faisant 29 morts parmi les fidèles et 150 blessés. Rapidement, le mouvement Hamas a riposté en moins de deux mois, le 6 avril 1994, par une attaque mortiers dans la ville d’Afoula, qui a causé un certain nombre de morts et de blessés. Mais ces actions des deux parties n’ont pas réussi à arrêter le processus de paix ! L’accord du Caire a donc été signé et le processus d’élargissement des prérogatives de l’Autorité nationale palestinienne a commencé, débutant par Gaza et Jéricho pour s’étendre à d’autres zones de Cisjordanie. Une partie importante de l’accord intérimaire a commencé à être appliquée, à savoir le redéploiement en Cisjordanie. Mais ! La droite israélienne n’a pas tardé à assassiner Yitzhak Rabin dans une tentative de mettre fin au processus de paix et de donner sa chance à un gouvernement de droite d’accéder au pouvoir, capable de se soustraire à cette voie. Pour leur part, les mouvements du Hamas et du Jihad islamique ont joué leur rôle respectif dans ce domaine en entamant une série d’opérations suicidaire en 1995 et 1996, suivies d’autres au cours des années suivantes, coïncidant avec chaque tentative de progrès dans le processus de paix, de sorte que le nombre total d’opérations entre 1993 et 2000 s’est élevé à 24. En effet, après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, un gouvernement de droite dirigé par Benjamin Netanyahu est arrivé au pouvoir, mais à l’époque, il n’était pas capable de gérer la situation comme la droite le souhaitait, il a donc été renversé. La question de la personne la plus apte à assumer cette responsabilité a été reconsidérée. Et lorsque la dernière tentative à Camp David pour parvenir à une issue logique au processus de paix a eu lieu et que tout le monde s’en est trouvé à deux doigts, l’intensité des opérations du Hamas et du Jihad islamique a augmenté : 24 opérations ont été perpétrées en 2000 et 2001. En réponse, Ariel Sharon, le candidat de la droite (que la droite israélienne croyait capable d’opérer le virage qui mettrait fin au processus de paix), a fait irruption dans la mosquée Al-Aqsa pour allumer la mèche de la dernière bombe destinée à faire exploser ce processus. La seconde Intifada a commencé et s’est transformée en une confrontation armée qui a abouti à ce à quoi elle a abouti : une augmentation du capital des mouvements du Hamas et du Jihad islamique, en raison du discours populiste qu’ils utilisaient, et en même temps, pour assiéger Yasser Arafat. Parallèlement, la contrebande d’armes, de fonds et de ressources a été facilitée pour les deux mouvements dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, et je crois aussi avec des parrainages purement des États-Unis! Cela préparait la deuxième partie du plan : donner au Hamas une légitimité constitutionnelle lui permettant de mettre en œuvre le reste du plan sous couvert de légalité. Sous une pression énorme des États-Unis et de leurs partenaires dans le plan, y compris des régimes Arabes et Israël, l’Autorité nationale palestinienne a été contrainte d’associer le mouvement Hamas aux élections législatives, bien qu’il ne reconnaisse pas l’OLP, pourtant reconnue par Israël, qu’il ne reconnaisse pas les Accords d’Oslo ni aucune des obligations qui en découlent. Cela s’est fait avec la complaisance totale d’Israël. En même temps, les États-Unis et les régimes arabes complices de ce plan ont joué un rôle efficace en divisant le mouvement Fatah, en dispersant ses voix et en tentant de créer un certain nombre de scissions en son sein. Tout cela a porté ses fruits : le mouvement Hamas a remporté les élections législatives et a obtenu une légitimité lui permettant de gouverner. Tout cela préparait sa future prise de contrôle de la bande de Gaza et de la Palestine. Mais avant cela, Sharon s’est retiré unilatéralement de la bande de Gaza après s’être assuré que le Hamas et ses alliés étaient capables d’en prendre le contrôle. Le plan à l’époque, après le succès du Hamas aux élections, était que, conformément à la loi fondamentale de l’Autorité nationale palestinienne qui stipule que le président du Conseil législatif assume la présidence en cas de vacance du poste de président (le président du Conseil législatif et son adjoint étaient du Hamas après les élections de 2006), il fallait donc se débarrasser du président Mahmoud Abbas. C’est précisément ce que le Hamas a tenté de faire en creusant un tunnel sous la maison du président Mahmoud Abbas à Gaza et en le remplissant d’explosifs en attendant l’heure d’exécution. Mais Dieu a voulu que ce plan échoue : un des dirigeants du Hamas à l’époque a fait défection et a transmis au président Mahmoud Abbas, avec des enregistrements audio et vidéo, ce que le Hamas préparait. Le plan a donc échoué. En conséquence, ils sont passés au plan B : prendre le contrôle de la bande de Gaza par la force militaire. Le Hamas a donc orchestré un coup d’État sanglant qui a fait plus de huit cents victimes palestiniennes et un grand nombre de blessés. Cela s’est produit avec la complicité totale de certains responsables du mouvement Fatah et de certaines dirigeants sécuritaires et militaires, un soutien important de forces régionales et un parrainage purement israélien.
À partir de ce moment, les fils du complot sont devenus plus clairs. Le travail a commencé pour accroître la surveillance de toutes les étapes et trouver des moyens d’y faire face de différentes manières, que ce soit au niveau arabe ou international. Pendant ce temps, le Hamas et son partenaire dans le complot, le Jihad islamique, avec le soutien direct de forces régionales et d’Israël, ont continué à tenter de saper l’Autorité nationale palestinienne, de l’affaiblir et de lui créer des problèmes permanents, en particulier sur le plan sécuritaire et spécifiquement dans les camps des réfugiés et les zones à forte densité de population, en raison de la difficulté d’affronter différentes parties qui sont armées soit directement par Israël, soit par le financement de forces régionales, et parfois par de grandes puissances dans de telles zones !
Les forces de droite des deux côtés ont continué à gagner du temps et des partisans en échangeant leurs rôles, tentant ainsi d’éliminer l’Autorité nationale palestinienne, qui représente le côté légal contraignant pour l’occupation au niveau international et qui a réussi à avancer avec succès et compétence dans des champs densément minés qui lui étaient tendus par Israël d’une part, et par le Hamas et le Jihad islamique d’autre part, dans une tentative désespérée de l’assassiner moralement et de l’épuiser sur le terrain en préparation de son élimination. Le Hamas a livré cinq batailles avec Israël dans le cadre de ce jeu d’échange de rôles : chaque fois qu’une partie faiblissait, l’autre s’empressait de faire quelque chose pour l’aider à surmonter sa phase de faiblesse et à renforcer sa position. Le plus grand exemple en est les efforts ardus de Netanyahu pour fournir un soutien financier au mouvement Hamas afin de lui permettre de garder le contrôle de la bande de Gaza d’une part, et les tirs de roquettes du Hamas sur Israël lorsque les difficultés internes de Netanyahu s’aggravent, afin de réduire la pression sur lui et de détourner le regard vers l’ennemi artificiel d’autre part. Cette situation a persisté jusqu’à ce que vienne le moment de la bataille finale, à savoir la prise de contrôle de toute la Palestine par Israël à travers une opération militaire justifiée et soutenue par les puissances mondiale, qui représente la dernière étape de ce complot !
C’est alors qu’est survenue ce qu’on a appelé le« Déluge d’Al-Aqsa », qui représentait une connivence flagrante entre la droite israélienne et son homologue palestinienne, représentée par le mouvement Hamas et ceux qui gravitent autour de lui. Tous les indices indiquent que Netanyahu avait une connaissance préalable de ce que le Hamas planifiait, d’une part, et qu’il a empêché l’armée et les forces de sécurité d’intervenir pour répondre à l’attaque du Hamas, allant même jusqu’à aider à maximiser les pertes israéliennes afin de créer l’effet souhaité D’autre part. Des forces régionales connaissaient également ce scénario, même si elles prétendaient le contraire. De même, le Hamas savait que cette bataille serait la dernière de la série de ses connivences avec la droite israélienne et il s’était imaginé qu’il atteindrait ses objectifs et que ce dont rêvaient lui et son mouvement mère, les Frères musulmans, pourrait enfin se réaliser (et je pense que cela reflète la stupidité politique chronique de ce mouvement en particulier et des Frères musulmans en général). D’un côté, Israël a trouvé son prétexte pour effectuer sa dernière manœuvre afin de renverser l’Autorité nationale palestinienne et ainsi de renverser ce qui restait du processus de paix, que l’OLP avait préservé à bout de bras, sachant la valeur de cet accord contractuel international que tout le monde avait condamné sans y voir ce que cette leadership sage y avait vu… De l’autre côté, les Frères musulmans y ont vu l’occasion en or de piéger l’Égypte dans un grand piège et de mobiliser les masses arabes et islamiques pour la renverser, ainsi que leur deuxième objectif, la Jordanie, posant ainsi la première pierre de leur guerre sainte pour l’établissement de l’État du Califat. Mais les vents ont soufflé contrairement aux désirs des navires ! D’une part, les dirigeants palestinienne ont résisté à toutes les pressions exercées pour l’impliquer dans ce qu’Israël et le Hamas visaient. Ils sont même allée plus loin et, avec une perspicacité visionnaire, à travaillé à prendre le contrôle de la situation avec le plus grand degré de prudence et à consolider une voie sur laquelle elle avait commencé à travailler avant le 7 octobre avec le Royaume d’Arabie saoudite. Les dirigeants palestinienne a su, avec une grande compétence, rediriger le gouvernail de son navire face à la violente tempête qui s’est abattue sur la Palestine et a commencé à travailler dès le premier jour de la dernière bataille de ce grand complot qui s’étendait sur des années. A travers une coordination complète et un partenariat véritable avec le Roya d’Arabie saoudite et ses frères des pays à qui le véritable plan avait été révélé, en tête desquels l’Égypte et la Jordanie, elle a pu affronter cette tempête et naviguer avec le navire du peuple palestinien vers de nouveaux horizons qui pourraient lui permettre d’atteindre la rive du salut.
Enfin, je dirais que le plan de Trump et la réalisation de sa première étape, qui consistait à annoncer un cessez-le-feu entrant en vigueur immédiatement après sa signature, et, plus important encore, à retirer les prétextes des deux parties au conflit, constituent de mon point de vue le début de la fin du complot qui s’est étendu sur trois décennies et plus, planifié, dirigé et soutenu pendant toute cette période par les États-Unis d’Amérique ! Ils ont été aidés en cela par des pays arabes, régionaux et internationaux, avec à leur tête Israël. Les dirigeants du peuple palestinien, en convainquant ses frères de la nature de ce complot malveillant qui visait à renverser tout le monde au profit d’Israël et des Frères musulmans, a réussi à transformer la trajectoire vers une vision saoudienne, arabe et islamique forte et capable de diriger les voiles avec compétence pour amener le navire de toute la région sur la rive de la sécurité, via un passage obligé : la réalisation du rêve de la Palestine et de son peuple d’avoir son État indépendant, dont je ne doute pas un instant qu’il est plus proche que jamais, a travers un travail sérieux et ardu pour changer la perspective des États-Unis sur l’ensemble du sujet, les convaincre que la poursuite de l’opération actuelle n’est plus utile mais est devenue un fardeau important pour eux, épuisant leur crédit mondial, et commencer un nouveau processus basé sur une nouvelle équation collective dirigée par le président Trump, dont le fondement est la réalisation des intérêts de États-Unis dans la création d’un nouveau Moyen-Orient et, en même temps, la réalisation des intérêts de la nation arabe, au premier rang desquels le règlement de la question palestinienne en tant que clé de cette équation.
Nous espérons que les prochains jours apporteront des indicateurs plus clairs sur lesquels nous pourrons fonder un point de vue plus précis. Nous espérons également que les efforts de tous se poursuivront avec la même dynamique pour résoudre tous les obstacles qui pourraient entraver cette voie. Enfin, je reste pour dire que tout ce que j’ai avancé exprime mon point de vue personnel et ma propre vision dans la présentation et l’analyse, et qu’il est possible, et j’en doute, que j’aie pu me tromper.